Une étude inédite sur la galaxie promaoïste de Belgique

Nouvelle mise en page : 05/08/2015

> Les « gardes rouges » ont aussi été actifs en Belgique. Image extraite du journal de l'UJCMLB de 1975 - Archives Manuel Abramowicz.



Au cœur de la galaxie ML
promaoïste de Belgique

Comme en France et ailleurs dans le monde, le marxisme-léninisme (m-l) a compté en Belgique de nombreux partis, mouvements et groupes. C’est même dans ce pays du cœur de l’Europe occidentale que le courant maoïste va se développer en premier lieu contre le « révisionnisme » opéré par les dirigeants de l’URSS.

Jacques Grippa et son épouse, lors de leur rencontre en 1966 avec Mao-Tsé-tung – Archives Manuel Abramowicz.

En 1963, le premier parti communiste prochinois européen voit le jour en Belgique, autour de la personne de Jacques Grippa et d’autres dirigeants nationaux transfuges du parti communiste prosoviétique. Par la suite, et très vite, les scissions et exclusions seront nombreuses chez les « grippistes ».

En 1967, durant la « Révolution culturelle » lancée par Mao-Tsé-tung en Chine pour récupérer son pouvoir, le parti de Grippa se divise. Se rapprochant de l’Albanie d’Enver Hodja (désormais adversaire des Chinois maoïstes), Jacques Grippa est mis en minorité dans son propre camp. Restée fidèle à Mao, la majorité de son PCB poursuit le combat sous le nom de Parti communiste marxiste-léniniste de Belgique (PCMLB).

Dans ces années de nouvelles divisions affectent le monde communiste. La forme d’organisation léniniste pour le parti est notamment remise en cause. Mai 68 donne naissance à des groupes maoïstes «spontanéistes» - connus sous le vocable de «mao-spontex» - refusant la forme « parti » pour conduire la lutte révolutionnaire. Parmi ces groupes, citons : Université-Usine-Union (UUU), la Parole au Peuple (PAP), Action communiste (AC, à Bruxelles), la Garde Rouge (à Liège) ou Amada (à Leuven, dans le Brabant flamand).

Après une autocritique du « spontanéisme » (considéré notamment comme une « dérive anarchiste »), les théories m-l sont à nouveau appliquées pour mettre sur pied des organisations ayant, dans la majorité des cas, l’objectif de fonder un véritable parti communiste ouvrier, de nature révolutionnaire.

La Une du numéro 17, daté du 24 avril 1964, de l'organe de presse du parti communiste prochinois de Jacques Grippa – Archives Manuel Abramowicz.


Une myriade d’organisations M-L
Les partis m-l apparus dans les années soixante (PCB grippiste, PCMLB-Clarté et PCW-L’Exploité), les structures politiques post-soixante-huitardes (Union des communistes marxiste-léniniste de Belgique, Lutte communiste, Action communiste, Amada-Tout le pouvoir aux ouvriers, PCB (m-l)-La Vérite…) se combattront à travers d’interminables débats et «procès» idéologiques. Prônant tous l’«unité des marxistes-léninistes», les accusations multiples de dérives idéologiques et politiques (de «néorévisionnisme», «sectarisme», «fractionnisme», «scissionnisme», «anarchisme», «trotskisme», «opportunisme», «petite-bourgeoise», «social-fascisme», «social-impérialisme»…) se diffusent tous azimuts.

Les uns sont qualifiés comme étant des «sectes», les autres comme des «traîtres à la classe ouvrière» membres d’un «complot international contre le mouvement marxiste-léniniste».

La « guerre idéologique » entre les différents courants révolutionnaires m-l s’illustre par la myriade d’organisations et partis se revendiquant de l’héritage marxiste, léniniste, staliniste, maoïste ou/et enveriste. Leur objectif : gagner le leadership du marxisme-léninisme en Belgique grâce un rapport de force favorable.


> Couverture du n°1 de L'Exploité, daté du 30 juin 1967, organe du Parti communiste wallon (m-l), formé par des dissidents du PCB de Jacques Grippa – Archives Manuel Abramowicz.


> La première page du n°1 de Clarté, daté du 22 décembre 1967, organe du PCMLB, formation politique issue du «grippisme» – Archives Manuel Abramowicz.


Des milliers de militants
Les courants marxistes-léninistes ont rassemblé, au cours de leur existence, des milliers de militants, avec des organisations allant d’une dizaine de membres à plus de deux mille affiliés (le PTB, par exemple). Connus pour leur formation politique et idéologique de haut niveau, les membres des groupes m-l adoptent la structure bolchevique d’organisation.

A l’instar des autres courants communistes (prosoviétique, trotskiste, ultra-gauche…), ont finira par retrouver des anciens militants provenant des rangs marxistes-léninistes prochinois dans des partis traditionnels, dans les médias, dans le corps professoral universitaire, chez des responsables syndicaux, parmi les meilleurs avocats du pays.

Un des dirigeants bruxellois de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) avait été parmi les responsables des jeunes communistes du PCB grippiste, un député européen d’Ecolo fut dans les années septante un des piliers de l’organisation Lutte communiste, un patron de presse internationale provient d’un journal qui saluait en 1975 la victoire des Khmers rouges au Cambodge, une ancienne (mais récente) présidente d’Ecolo débuta politiquement au sein d’Amada-TPO (Tout le pouvoir aux ouvriers, l'ancêtre de l'actuel Parti du Travail de Belgique), des cadres et élus bruxellois du Parti socialiste préconisaient, il y a plus de trente ans, la « Révolution culturelle prolétarienne » maoïste en Belgique… Le marxisme-léninisme fut aussi une bonne école politique.


MANUEL ABRAMOWICZ


[Texte extrait d'une étude sur l'histoire des marxistes-léninistes en Belgique de 1963 à 2009 parue dans La Belgique sauvage - L'extrême gauche en Belgique francophone depuis 1945, livre collectif édité par Dissidences aux éditions le Bord de l'eau PLUS D'INFOS ? CLIQUEZ ICI].


> TPO... journal de l'organisation m-l Amada-Tout le pouvoir aux ouvriers... ancêtre de l'actuel Parti du Travail de Belgique (PTB) – Archives Manuel Abramowicz.

Couverture du n°3, du mois d'août 1973, du journal de l'organisation Lutte communiste (marxiste-léniniste) , LC (m-l) – Archives Manuel Abramowicz.

En 1978, LC (m-l) fusionnera pour finir avec le PCMLB – Archives Manuel Abramowicz.

Le soutien à la résistance du peuple palestinien à la Une de La Parole au peuple, journal de l'organisation mao-spontex du même nom active en Belgique dans les années 1970 – Archives Manuel Abramowicz.