Bruxelles,
6 novembre 2014, des dockers en colère affrontent les forces de
l'ordre. La répression sera terrible © Photo : Nakam /
RésistanceS.be
INTERVIEW - Suite à la manifestation du 6 novembre dernier contre le gouvernement fédéral, le journal RésistanceS.be avait révélé une infiltration de celle-ci par des militants d'extrême droite (voir l'article d'origine après l'interview). Les dockers du port d'Anvers furent ensuite pointés du doigt par la police, des politiciens et des médias. Pour éviter les amalgames et en savoir un peu plus au sujet des travailleurs de nos ports, nous avons rencontré Erik Demeester. Ce militant syndical et antifasciste flamand de longue date connait très bien la ville d'Anvers, et ses dockers.
Propos recueillis par Manuel Abramowicz pour le journal RésistanceS.be
En
fin de parcours de la manifestation nationale, ayant rassemblée plus
de 120.000 personnes, des trois syndicats contre le gouvernement
fédéral, le 6 novembre dernier, des incidents ultras violents –
puis médiatisés tous azimuts – se sont produits. Le web-journal
RésistanceS.be avait révélé en exclusivité la présence dans
cette manifestation d'activistes d'extrême droite et d'un noyau dur
de dockers du port d'Anvers. Des insultes et des agressions racistes
contre des jeunes du quartier populaire d'Annessens avaient été
observés.
Des
politiciens, le président de la N-VA, Bart De Wever, en premier,
et des médias ont
ensuite généralisé ces événements, certes inquiétants (des
syndicalistes, une minorité, se sont rendus responsables
d'agressions racistes), en présentant tous les dockers comme étant
des casseurs et des grosses brutes racistes d'extrême droite. La
réalité est différente.
Alors
qui sont ces fameux dockers d'Anvers ? Le syndicaliste et
antifasciste flamand Erik Demeester, militant depuis les années
1980, les connait fort bien. Pour
RésistanceS.be, il revient sur l'histoire du combat des dockers pour
défendre leur statut professionnel et leur outil de travail, menacés
par les plans de privatisation imposés par l'Union européenne et le
patronat portuaire. Avec la complicité de l'extrême droite (Vlaams
Belang) et de la droite libérale nationaliste (N-VA).
RESISTANCES.BE
– Les dockers font partie d'une fraction du monde ouvrier peu
connue. Quelles sont leurs principales caractéristiques ? Combien
sont-ils ? Dans quels ports travaillent-ils ? Quelles sont leurs
conditions de travail ? Au niveau syndical, quelles sont leurs
revendications ?
ERIK
DEMEESTER - En Belgique il y a plus de
10.000 dockers reconnus répartis essentiellement sur trois ports,
celui d’Anvers, de Gand et de Zeebrugge. Les ports sont un secteur
vital de l’économie belge qui vit de l’exportation. Le port
d’Anvers, par exemple, représente à lui seul 5 % du PIB national
et plus de 8 % du PIB du nord du pays. La Flandre en particulier se
profile comme une plateforme logistique de l’économie européenne.
Les ports y ont une place cruciale. L’ancien président français,
Nicolas Sarkozy, a un jour décrit le port d’Anvers comme étant le
plus grand port… français. Au début du siècle passé, les ports
étaient « het slagveld van den arbeid », le « champ
de bataille du travail ». Malgré des améliorations, le
travail de dockers reste un boulot très pénible et très dangereux.
On y risque encore sa vie. En témoignent quelques statistiques. En
moyenne, par an, 1.150 accidents de travail blessent des dockers.
Cela fait une moyenne de près de plus de 11 % de dockers blessés
par an. C’est un chiffre très élevé. Depuis l'année 2000, deux
dockers meurent en moyenne dans ces accidents,
comme cela a été révélé en février 2013 au Sénat de Belgique.
Les
dockers exercent donc une profession à risque. Ils doivent être en
permanence sur le qui-vive pour éviter un accident : des
poutres mal attachées, des containers qui tombent, des engins qui
écrasent des dockers (le derniers accident de travail mortel au port
d’Anvers), etc. La sécurité est une obsession chez les dockers.
Ils travaillent souvent en petites équipes de quatre à cinq
personnes. Dans ces équipes l’attitude de l’un peut éviter ou
provoquer un accident. La cohésion y est – par nécessité - très
forte. C’est le cas dans tous les ports. Si un docker ne peut pas
compter sur un autre, il ou elle risque son intégrité physique ou
sa vie. C’est aussi simple que cela. Cette réalité est à la
base d’une forte identité de groupe.
Depuis
1972, le travail dans nos ports est régi par ce qu’on appelle la
« loi Major », du nom du ministre socialiste du travail
de l’époque, qui fut aussi un dirigeant syndical. Cette dernière
n’autorise que des dockers formés et reconnus d’exercer le
travail dans les ports. Leur formation dure trois semaines pendant
lesquelles ils apprennent en détail les techniques du métier. Après
cela, ils reçoivent le « blauwe boekske » (le livret
bleu) qui reprend les jours travaillés et les jours chômés. C’est
seulement après 18 mois qu’ils reçoivent le livret officiel qui
leur garantit la protection sociale. Entre 75 et 85 % des dockers ont
un travail fixe. Les autres, le « pool », doivent se
présenter au local de recrutement quotidien appelé « het
kot » à Anvers. Il y a quatre moments de recrutement
correspondant aux quatre équipes de travail. Le taux d’affiliation
aux syndicats est très élevé. La Fédération générale du
Travail de Belgique (FGTB) y est le plus grand, suivi de la
Confédération des syndicats chrétiens (CSC).
Comme
je l’ai déjà dit : la sécurité des dockers est la première
des préoccupations syndicales. En découle aussi le rejet de toute
tentative de détricotage de la loi Major qui codifie le travail et
la sécurité dans le port. Le programme du gouvernement de Charles
Michel (MR) et de Bart De Wever, le président de la N-VA (parti
nationaliste flamand d'ultradroite) et bourgmestre d'Anvers, prévoit
la « modernisation » de cette loi. Terme vague mais qui
n’est pas de bon augure. Les syndicats réclament plus de
précisions sur cette fameuse modernisation mais restent sans réelle
réponse. A cela, s’ajoute les attaques incessantes de l’Union
européenne contre la loi Major. La tentative précédente des
autorités européennes de « flexibliser » le travail
portuaire, plus connu sous le nom de « Port Package I et II »,
a été repoussée à la suite de grandes grèves dans les ports
européens et en particulier dans celui d'Anvers. Mais à
l’initiative de Fernand Huts, le
PDG de Katoen Natie, une société commerciale internationale de
logistique fournisseur de services et opérateur portuaire,
l'Union européenne revient à la charge. Il faut savoir que ce
Fernand Huts est le franc-tireur du patronat portuaire flamand :
il dit tout haut ce que les autres patrons de ce secteur pensent tout
bas. Le même Huts, membre du
parti libéral Open VLD, est aussi un ami personnel de Bart De
Wever, considéré à juste titre comme le « premier ministre
de l’ombre » du gouvernement fédéral. Ce dernier est mis
sous pression par la Commission européenne au sujet de la
réglementation du travail portuaire, régie par la loi Major. La
direction de l’UE et les patrons portuaires voudraient mettre fin à
la convention collective unique pour tous les travailleurs des ports
et au règlement du travail en vigueur aujourd’hui. Cette
« modernisation » augmenterait les accidents de travail
dans le port et engagerait une spirale salariale descendante entre
les travailleurs portuaires. Et cela, bien évidemment, les dockers
ne le veulent pas.
Ils
ont montré dans un passé récent qu’ils représentent une force
sociale considérable. Une fois en action, leur impact sur la société
va largement au-delà de leur seul nombre. C’était le cas dans la
passé avec les mineurs. Dès que ceux-ci partaient en grève, même
si ils ne représentaient qu’une partie très minoritaire de la
classe ouvrière, ils faisaient trembler la « capitale »
et son gouvernement.
RESISTANCES.BE
– Quelles sont les traditions politiques des dockers belges ?
ERIK DEMEESTER - Tout d’abord, il faut dire que les dockers, par la nature du secteur économique dans lequel ils travaillent, un port international, ont le regard dirigé vers l’économie mondiale et vers les autres ports dans le monde. Les actions de solidarité avec des collègues d’autres ports en Europe ou au-delà font partie des traditions syndicales largement soutenus par les dockers, depuis les origines du syndicalisme dans les ports.
L’internationalisme
dans les ports n’est pas un vain mot. Ils ont aussi une tradition
antifasciste. En 1936, deux dockers, Albert Pot et Theo Grijp, furent
assassinés par des fascistes pendant la campagne électorale à
Anvers. Le lendemain de leur assassinat, le port d’Anvers était
paralysé par une grève générale en solidarité avec les victimes
et contre le fascisme. Quelques semaines plus tard tout le pays était
en grève pour arracher des conquêtes sociales historiques comme la
semaine de quarante heures, la journée de sept heures et les congés
payés.
Les
traditions politiques qui ont dominés les dockers sont de gauche.
Les socialistes y sont forts, mais les communistes aussi, tout comme
une fraction trotskiste. Jadis, le Parti communiste était capable de
déclencher une grève de sa propre initiative.
RESISTANCES.BE – Pourtant les dockers anversois ont eu la réputation d'appartenir à l'extrême droite flamande. Dans les années 1980, le Vlaamse militanten orde (VMO), la plus importante organisation militante d'extrême droite qui sera l'un des piliers de fondation du Vlaams Blok (VB), le nom jusqu'en 2004 de l'actuel Vlaams Belang, avait parmi ses sympathisants des dockers...
La presse a récupéré les informations inédites de RésistanceS.be, parfois avec une certaine exagération - Doc. Ridaf
RESISTANCES.BE – Pourtant les dockers anversois ont eu la réputation d'appartenir à l'extrême droite flamande. Dans les années 1980, le Vlaamse militanten orde (VMO), la plus importante organisation militante d'extrême droite qui sera l'un des piliers de fondation du Vlaams Blok (VB), le nom jusqu'en 2004 de l'actuel Vlaams Belang, avait parmi ses sympathisants des dockers...
ERIK
DEMEESTER - Et aujourd'hui, un des anciens sympathisants du VMO
est devenu le bourgmestre de la ville d’Anvers et il est vilipendé
par les dockers…
Maintenant,
il faut le reconnaitre : à partir des années 1980 et jusqu’il
y a peu, chez les dockers d’Anvers ou de Gand un vote en faveur du
Vlaams Blok s'est enregistré. Diverses études ont indiqué qu’en
moyenne un affilié ABVV (la branche flamande de la FGTB) sur cinq
votait pour ce parti. A Anvers, ce pourcentage était encore plus
grand. La Belgische Transportbond (BTB, Union belge du transport,
UBT), la centrale syndicale
rassemblant les dockers de la FGTB, est majoritaire parmi
ceux-ci. Ce qui a ajouté certainement à cet éloignement électoral
de la gauche, du SP.a en particulier, à cette époque est la grève
de 1973 dans le port d’Anvers. Une grève de huit semaines, avec de
milliers de dockers, qui a paralysé le port et a dominé l’actualité
politique et sociale dans la ville, ainsi que dans toute la Flandre.
Le syndicat socialiste et le parti socialiste se sont dressés contre
cette grève spontanée et ne l’ont pas reconnue. Le gouffre entre
dirigeants syndicaux et la base des dockers était béant. Les
cicatrices de cette fissure sont encore visibles aujourd'hui.
Force
est de constater que les slogans démagogiques et racistes du Vlaams
Blok ont alors séduit une partie des dockers. Cependant, le vote
pour ce parti nationaliste flamand d'extrême droite, surtout parmi
les travailleurs, n’a jamais été univoque. Preuve de cela est que
l’électorat populaire et ouvrier se situe largement à gauche du
programme de cette formation politique sur les questions
socio-économiques. C’est encore le cas avec l'« électorat
populaire » de la N-VA de Bart De Wever. Plusieurs études
l’ont démontré. Cela a été le talon d’Achille du VB. Une fois
que son caractère ouvertement propatronal et antisocial a été
révélé dans la pratique, ce même électorat a commencé à lui
tourner le dos. Depuis plusieurs années, c’est le cas parmi les
dockers.
Le
Vlaams Belang, qui s’est toujours présenté comme étant l’« ami
des dockers », s’est pourtant désolidarisé de leur lutte
contre la « libéralisation »
(la privatisation !) des ports
européens. Les députés du VB se sont abstenus dans un vote décisif
sur cette question au parlement européen. Quand leurs dirigeants se
sont présentés au Kot, le local de recrutement, ils ont été
engueulés puis repoussés par les dockers comme
en atteste une séquence de la télévision flamande « Canvas »
diffusée sur Internet (voir ci-dessous).
La même chose s’est encore passée durant les dernières élections.
Lorsque Bruno
Valkeniers, alors toujours
président du Vlaams Belang, et d’autres de ses représentants se
sont présentés le 23 mai 2014 au Kot, ils ont été spontanément
refoulés par les dockers qui leur ont reproché non seulement de ne
pas soutenir la loi Major, mais aussi leur racisme. Dans une lettre
publiée, le 24 mai 2014, sur le site antifasciste Blokbuster,
un docker témoin de la scène a écrit :
« Beaucoup
de dockers étaient à juste titre indignés et fâchés que le
Vlaams Belang continue à diffuser leur poison raciste et d’opposer
des dockers à d’autres dockers. Parmi les dockers cela ne
fonctionne pas. Nous travaillons ensemble dans le port. C’est un
travail dur, mais nous le faisons côte à côte, aussi avec Karim,
Mo et Said. »
En
mai 2009, Filip Dewinter, le leader anversois du Vlaams Belang, est
apostrophé par des dockers. Proche des patrons du port d'Anvers, les
dirigeants du Vlaams Belang y sont désormais persona non
grata chez ses travailleurs © Image : Canvas in Youtube.
RESISTANCES.BE
– D'où vient dès lors cette réputation d'extrême droite qui
colle aux dockers ?
ERIK
DEMEESTER - Il faut dire que le patronat portuaire et des hommes
politiques, comme l’échevin du port
d'Anvers, Marc van Peel, membre du CD&V (parti démocrate-chrétien
flamand), accusent les dockers de refuser de travailler avec
des « bruine smoelen » (« gueules basanées »).
Marc van Peel a lancé cette accusation dans les médias en 2009 et
Fernand Huts, de la société commerciale Katoen Natie, l’a encore
répété récemment. C’est un mensonge naturellement. Ce que les
dockers et leurs syndicats disent est que tout un chacun, homme ou
femme (car il y a des femmes parmi dockers !) , de quelque
nationalité que soit, peut travailler dans le port à une et une
seule condition : c’est qu’il ou elle ait son fameux livret
comme le prescrit la loi Major. C’est-à-dire qu’il ou elle ait
réussi sa formation et soit reconnu officiellement comme docker.
Tout autre personne qui est engagé par le patronat portuaire en
dehors de ce cadre et effectue le travail de dockers n’est pas
bienvenu.
Le
patronat mène une guerre contre la loi Major en essayant d’engager
des travailleurs en dehors des règlements de travail pour effectuer
le travail de dockers. La raison est simple : c’est meilleur
marché, car le patron doit les payer moins cher, jusqu’à un tiers
en moins. La loi Major est un rempart contre la détérioration des
conditions de travail et de sécurité. Par
pure stratégie de division, les
« barons du port » brandissent l’accusation de racisme
à l’encontre des dockers et leurs syndicats car ils veulent en
finir avec la loi Major. Ils présentent l’opposition des dockers à
l’engagement de travailleurs en dehors du statut de la loi Major
comme un refus de travailler avec des travailleurs d’origine
étrangère. Dans le port, dix-sept nationalités travaillent
ensemble comme dockers reconnus, d’autres sont de nationalité
belges mais d’origine étrangères et cela ne pose pas de problème.
Dans une réaction
vive, reprise en février 2009 par le quotidien « Gazet van
Anterwerpen », aux accusations
de Van Peel, un affilié du syndicat socialiste des dockers, le BTB,
a dit :
« Nous
ne sommes pas des allochtones, nous sommes des dockers ».
Il ajoute que « dans le port, il
n’y pas de place pour le racisme ».
Il est vrai qu’il faudrait plus de travailleurs d’origine qui travaillent dans le port. Mais c’est le cas de nombreuses autres entreprises en Belgique. Donc, dans les faits, la situation est toute autre que celle présentée par les médias : c’est le patronat du port qui s’accoquine avec l’extrême droite ! Le président du Vlaams Belang de 2008 à 2012, Bruno Valkeniers, était directeur de la division Roro du manutentionnaire Hesse Noordnatie, bien implanté dans le port d'Anvers. Les dirigeants du VB comme Gerolf Annemans et Jan Penris sont de toutes les réceptions organisés par les barons du port. C’est un secret de polichinelle qu’une partie du patronat en Flandre soutient - et même finançait - le Vlaams Belang, comme il « investit » aujourd’hui dans la N-VA.
RESISTANCES.BE
– L'influence de l'extrême droite chez les dockers serait en
diminution, notamment au profit de la gauche radicale. Est-ce
vraiment le cas ?
ERIK DEMEESTER - Lors
de la grève du 24 novembre dernier contre la politique du
gouvernement fédéral de Charles Michel, il n’y que deux
dirigeants politiques qui sont allés soutenir les piquets de grève.
Il s’agit d’abord de Peter Mertens, le président
national du Parti du Travail de Belgique (PVDA-PTB, gauche radicale
marxiste électorale) et de Katleen van Brempt, députée européenne
du SP.a (parti socialiste, social-démocrate) et fille de docker. Ce sont les deux seuls qui ont été acceptés par les dockers… Peter
Mertens parce que le PVDA-PTB a toujours défendu becs et ongles la
loi Major. Kathleen van Brempt parce qu’elle s’est opposée au
« Port Package I et II », le plan de privatisation imposé
par la Commission européenne, et qu’elle a aussi soutenu les
grèves des dockers contre celui-ci. Pour sa part, le Vlaams Belang a
prétendu soutenir les dockers, mais l'a fait savoir par communiqué
de presse interposé, bien loin des piquets de grève des dockers...
Ce n’est pas un hasard. Pour les dockers : le Vlaams Belang ne
représente que les intérêts des patrons du port. Il en va de même
avec la N-VA et Bart De Wever. Résultat : l'extrême droite
(VB) et la droite nationaliste flamande de gouvernement (N-VA) sont
persona non grata
chez les dockers. Par contre, il faut constater que des partis comme
le PVDA-PTB et le SP.a gagnent du terrain parmi les dockers.
RESISTANCES.BE
– Il a été affirmé que la violence qui s'est exprimée lors de
la manifestation du 6 novembre dernier à Bruxelles aurait profité,
de façon générale, à l'extrême droite.
ERIK
DEMEESTER - Cette violence profite surtout à ceux qui veulent
stigmatiser les dockers et la résistance sociale en
général. Les médias n’y sont pas allés de main morte. Bart De
Wever, bourgmestre d’Anvers, avait instauré une ambiance
belliqueuse dans sa ville dans les semaines avant la grève
provinciale. La police d’Anvers a même évoqué ensuite le risque
de morts dans les affrontements avec les dockers lors de la grève du
24 novembre. Puis, il était question de « métallos wallons »
prêt à monter vers Anvers pour donner un coup de main aux
dockers dans des bagarres de rue. Il a même été question
d’hooligans hollandais de l’équipe de foot de Feyenoord prêt à
descendre sur Anvers pour affronter la police.
Rien
de tout cela n’était vrai dans les faits. De Wever et d'autres
politiciens, avec la complicité indirecte d'une partie de la presse,
ont agité la « stratégie du chaos » pour mieux
justifier la répression préventive du mouvement social de l'automne
2014. Cela a facilité une mobilisation policière sans
pareil lors des grèves. Par contre cela a eu aussi un « effet
boomerang » dans le sens que la grève a paralysé tout le port
et a contribué à son succès dans les autres secteurs.
Opération
policière de maintien de l'ordre lors de la manifestation syndicale
du 6 novembre 2014 © Photo : Nakam / RésistanceS.be
RESISTANCES.BE
– Peut-on voir des points communs entre cette violence et celle
qui s'exprime durant des matchs de football ? Nous avons en effet pu
personnellement observer des personnes impliquées qui semblaient
être « entrainées » à ce type de combat de rue, comme le sont
les hooligans.
ERIK
DEMEESTER - Dans les gradins du FC
Antwerp on retrouve des ouvriers du port, ou de la pétrochimie. Les
hooligans sont souvent aussi des travailleurs, mais cela ne fait pas
automatiquement
de tous les travailleurs en colère des hooligans. La violence chez
les dockers dans les manifestations du 4 avril contre la politique de
l’Union européenne et le 6 novembre derniers n’est pas importée
artificiellement de l’extérieur. C’est l’expression d’une
vraie colère sociale due à des craintes justifiées pour l'avenir -
des plus sombres - que réserve le monde patronal et politique aux
dockers. Ces derniers revendiquent la dureté de leur combat. Ils ne
sont jamais hypocrites. Leur langage est combatif parce que leur
situation de vie est menacée. Le docker Bob Baete, interviewé par
la télévision VRT, dans la magazine « Terzake », a été
clair suite aux incidents à
Bruxelles avec les forces de l'ordre :
« Arrêtons
de dire que les dockers avaient donné leur veste fluo à des
anarchistes. C’était des dockers, un point c’est tout. »
Sur le terrain, contrairement à l'image donnée par les médias – au profit du gouvernement fédéral du libéral francophone Charles Michel et du président de la N-VA nationaliste flamande Bart De Wever -, cette violence a été minoritaire. C'est évidemment, les voitures et les camionnettes incendiées des habitants d’un quartier populaire a desservie la cause des travailleurs. Mais les dockers ont aussi montré lors de la grève du 24 novembre qu’ils pouvaient contrôler ce groupe.
Sur le terrain, contrairement à l'image donnée par les médias – au profit du gouvernement fédéral du libéral francophone Charles Michel et du président de la N-VA nationaliste flamande Bart De Wever -, cette violence a été minoritaire. C'est évidemment, les voitures et les camionnettes incendiées des habitants d’un quartier populaire a desservie la cause des travailleurs. Mais les dockers ont aussi montré lors de la grève du 24 novembre qu’ils pouvaient contrôler ce groupe.
PROPOS
RECUEILLIS PAR MANUEL ABRAMOWICZ POUR LE JOURNAL RESISTANCES.BE
©
RésistanceS.be / 12 juillet 2015 / Article hébergé sur le blog de
Manuel Abramowicz (coordinateur de la rédaction de RésistanceS.be).
Ci-dessous, nous replaçons l'article de RésistanceS.be à l'origine de l'interview que vous venez de lire d'Erik Demeester sur les dockers d'Anvers. Il a été publié une première fois le 6 novembre dernier sur RésistancesNews.be, le blog d'information de RésistanceS.be. Plus de 42.000 personnes l'ont consulté ! Depuis, notre blog a été hacké à plusieurs reprises, notamment par un hacker nationaliste turc et un autre se revendiquant de l'organisation de l'Etat islamique (Daesh).
INFO
EXCLUSIVE - RésistanceS.be - 6 novembre 2014
Infiltration
d'extrême droite
de la manifestation syndicale ?
Ce jeudi, plus de 120.000 syndicalistes ont défilé à Bruxelles pour protester contre le nouveau gouvernement. Le web-journal RésistanceS.be y a observé la présence de militants d'extrême droite, dont deux dirigeants néonazis hollandais.
Pascal
C. l'un des responsables du mouvement Nation au coeur de la
manifestation caméra au poing (pour filmer quoi ? Qui ?)
avant qu'il en soit mis dehors par des militants antifascistes
qui l'avaient repéré © Photo : RésistanceS.be
Plus
de 120.000 personnes ont manifesté, aujourd'hui à Bruxelles, à
l'appel des trois syndicats contre les mesures économiques du
gouvernement de droite. Cette manifestation fut un succès de foule.
Dans les jours qui viennent, elle devrait être favorable au
mouvement social dans son rapport de force lors des négociations
avec l'équipe de Charles Michel.
Extrême droite infiltrée
Des membres de la rédaction de RésistanceS.be, présents lors de cette manifestation, ont pu y observer des membres de l'extrême droite belge et hollandaise.
C'est
le cas de quelques activistes de Nation. Pourtant, ce mouvement
« national-solidariste », actif à Bruxelles et dans
deux-trois villes wallonnes, désapprouve officiellement ce type de
manifestation, comme il l'a encore affirmé ce soir sur son site
Internet.
Très
vite repérés par des militants antifascistes de la JOC et de
l'Union syndicale étudiante (branche étudiante des Jeunes FGTB),
les membres de Nation sur place ont dû quitté manu militari le
cortège syndical.
Dockers
racistes ?
Le
long de ce dernier, à plusieurs reprises, des dockers du port
d'Anvers s'en sont pris à des jeunes bruxellois d'origine marocaine
qui assistaient, comme spectateurs, à la manifestation passant dans
leur quartier.
Plus
tard, en fin de parcours, un militant réfugié politique
sud-américain a même été cogné par un docker qui l’avait pris
pour un marocain, en l'invectivant d'insultes racistes. Il est a noté
que ces dockers ne portaient aucune couleur syndicale, juste les
chasubles de travail du port d'Anvers.
Dans
le mouvement syndical, il est reconnu depuis plus de vingt ans que
parmi les dockers anversois se trouvent des sympathisants d’extrême
droite, notamment du Vlaams Belang.
Leaders
néonazis hollandais
Durant
cette même manifestation, RésistanceS.be a pu encore identifier
formellement deux leaders néonazis hollandais. C'est au environ de
12 h 30, qu'ils ont été reconnus à la hauteur de la place de
Brouckère. Ensuite, ils ont été revus lors des incidents ultra
violents qui se sont produits en fin de manifestation, à la hauteur
de la Porte de Hal, dans la commune de Saint-Gilles, se trouvant à
côté de la gare du midi. Incidents impliquant essentiellement des
dockers.
Ces
deux individus sont Eite Homan et Karl-Jan Walle (voir leurs
portraits après cet article).
A
la hauteur de la place de Brouckère, Eite Homan et Karl-Jan Walle
défilent incognito dans la manifestation syndicale ©
Photo : RésistanceS.be
Les
voici, trois heures après, durant les incidents violents qui se sont
déroulés en fin de manif ©
Photo : RésistanceS.be
Karl-Jan
Walle après avoir été arrosé par une autopompe de la police
fédérale © Photo :
RésistanceS.be
Autonome Nationalisten Vlaanderen
Ce
n'est pas la première fois qu'Eite Homan et Karl-Jan Walle
participent ensemble à une manifestation à Bruxelles.
Le
10 août dernier, accompagnés d'autres néonazis hollandais, ils
assistaient une mini protestation propalestinienne,
organisée à l'initiative des Autonome Nationalisten Vlaanderen.
Après leur participation ce jeudi à la gigantesque manifestation syndicale, et leur présence sur les lieux des incidents de fin de cortège, Eite Homan et Karl-Jan Walle ont repris à la gare du midi le train en direction d'Alost. Ils pourraient sans doute y rester jusque ce week-end. Et participer, ce samedi, à un rassemblement des Autonome Nationalisten qui devrait se dérouler à Anvers, au cours duquel prendra la parole un leader de l'extrême droite batave, par ailleurs ex-camarade néonazi d'Homan.
Le
lendemain matin, à Bruxelles, une manifestation antifasciste aura
lieu. Eite Homan, Karl-Jan Walle et leurs contacts belges pourraient
être tentés de s'y rendre.
Lors
d'une manifestation néonazie aux Pays-Bas en 2012, Eite Homan et
Karl-Jan Walle. Dans le fond de la photo (à droite) se trouve
Chantal M, militante des Autonome Nationalisten Vlaanderen, mais
aussi du mouvement Nation ©
Photo : Alert - www.alertmagazine.nl
QUI SONT EITE HOMAN
ET KARL-JAN WALLE
Aux Pays-Bas, le premier est bien connu comme étant un vieux militant néonazi. Son engagement politique remonte aux années 1980. Provenant des rangs « nationaux-socialistes » classiques, Eite Homan est un des artisans du « courant gauche » de cette mouvance nostalgique du Troisième Reich. Ce courant se présente comme « révolutionnaire » et « anticapitaliste ». Il adopte un style gauchistes et autonomes dans les manifs de rue, notamment en formant un black bloc. Ce courant s'organise sous le modèle des « Nationalistes libres » : semi-clandestin, sans leader officiel, communiquant de manière codée...
Eite
Homan lors d'une manifestation néonazie aux Pays-Bas en 2007 ©
Photo : kafka
Karl-Jan
Walle est beaucoup plus jeune. Il a 24 ans. C'est au milieu des
années 2000, d'après le journal antifasciste hollandais « Alert »,
qu'il se fait connaitre dans le milieu néonazi. Devenu bien vite
l'un des bras-droits d'Eite Homan,
on le retrouve à la Nationale
Socialistische Aktie (NSA), aux Vrije Nationalisten (Nationalistes
libres) et au Netwerk Nationale Socialisten.
Karl-Jan
Walle durant une manifestation néonazie aux Pays-Bas. Il se
distingue par son tatouage au cou reprenant le sigle des SA, les
Sections d'Assaut du parti nazi d'Adolf Hitler ©
Photo : Alert
La
particularité d'Homan et Walle est d'entretenir des contacts avec
des groupes néonazis étrangers. Ces relations internationales
s'opèrent notamment via l'Anti Capitalist Network/Anti
Kapitalistisch Netwerk (ACN/AKN), un réseau anticapitaliste
d'extrême droite ayant des points de chute essentiellement aux
Pays-Bas, en Allemagne et en Italie.
Homan et Walle sont également les contacts hollandais de la Racial
Volunteer force (RVF), un groupuscule néonazi prônant le terrorisme
actif en Grande-Bretagne et dans le nord de la France.
En Belgique, la RVF a aussi quelques contacts. Notamment avec des membres des Autonome Nationalisten Vlaanderen (AN) http://www.resistances.be/rvf02.html. Ce groupuscule est actif à Bruxelles et à Anvers. Depuis les années 1990, Il entretient des liens étroits avec Eite Homan. Ce dernier « travaillait » politiquement alors aussi avec le groupe néonazi bruxellois l'Assaut, dont le dirigeant-fondateur était Hervé Van Laethem, l'actuel secrétaire politique du mouvement Nation, le partenaire francophone des Autonome Nationalisten.
En Belgique, la RVF a aussi quelques contacts. Notamment avec des membres des Autonome Nationalisten Vlaanderen (AN) http://www.resistances.be/rvf02.html. Ce groupuscule est actif à Bruxelles et à Anvers. Depuis les années 1990, Il entretient des liens étroits avec Eite Homan. Ce dernier « travaillait » politiquement alors aussi avec le groupe néonazi bruxellois l'Assaut, dont le dirigeant-fondateur était Hervé Van Laethem, l'actuel secrétaire politique du mouvement Nation, le partenaire francophone des Autonome Nationalisten.
Eite
Homan faisant le salut d'honneur au Troisième Reich hitlérien, avec
Hervé Van Laethem, durant une manifestation, à Anvers, de l'Odal
aktiekomitee, d'où a été fondé en 1996 les Autonome Nationalisten
Vlaanderen ©
Photo : kafka
Karl-Jan
Walle tenant le calicot de la section londonienne de la Racial
Volunteer force, lors d'une manifestation néonazie en 2012, à La
Haye ©
Photo : Alert
©
RésistanceS.be - Première édition le 6 novembre 2014 sur RésistanceS News.be - Blog d'informations du web-journal
RésistanceS.be édité par l'Observatoire belge de l'extrême droite
| Réédité le 12 juillet 2015 sur le blog de Manuel Abramowicz (coordinateur de la rédaction de RésistanceS.be) | info@resistances.be