En mai 2014, le journal RésistanceS.be avait été sanctionné par la justice pour avoir utilisé, en 2009, un profil imaginaire sur Facebook pour mener une enquête d'investigation. Ce mercredi, la RTBF a diffusé un reportage réalisé grâce à un faux profil... Qu'en pensent ceux qui avaient refusé de soutenir RésistanceS.be ? Quelle sera l'attitude de l'Association des journalistes professionnels (AJP) ? Comme pour RésistanceS.be, apportera-t-elle une critique sévère contre la RTBF ?
Parmi les journalistes, une minorité sont des journalistes d'investigation. Chez ces derniers, la méthode « undercover » est parfois utilisée. Pour pouvoir mener à bien leur enquête, ils avancent alors masqués. Y compris sur Facebook. Cette pratique fait polémique au sein de la profession des professionnels des médias. Un constat : malgré des désapprobations de certains et une condamnation judiciaire, elle est toujours utilisée par la presse.
Au programme de la chaine télé La Une (RTBF) de ce mercredi soir, l'émission d'investigation « Devoir d'enquête ». Le thème : les filières de recrutement de jeunes belges musulmans pour partir combattre dans les rangs de Daesh (Etat islamique), l'organisation sectaire musulmane responsables d'épurations ethniques et religieuses, de crimes de masses, d'esclavage et d'attentats commis en son nom en Europe (à l'épicerie juive Hyper Casher à Paris, le 9 janvier dernier...).
Pour mener à bien son enquête
d'investigation, l'équipe de journalistes de la RTBF a créé un
faux profil Facebook. Avant elle, d'autres journalistes avaient déjà
opté pour cette méthode. Comme le rappelait le 18 janvier dernier
le quotidien L'Avenir,
dans l'article « ''Dans la peau d’une djihadiste'': le
témoignage terrifiant d’une journaliste infiltrée »,
consacré au livre d'Anna Erelle (prénom
d’emprunt), une journaliste française ayant pénétré un réseau
de recrutement pour le compte des djihadistes.
Comme
RésistanceS.be
Afin
de réaliser une enquête sur l'utilisation des réseaux sociaux par
les mouvements néonazis pour diffuser leur propagande et recruter de
nouveaux membres, le journal en ligne RésistanceS.be, en 2009, avait
décidé d'investiguer de manière masquée sur Facebook. Dans cet
objectif et conformément à la déontologie journalistique, un
profil imaginaire fut ouvert.
Suite
à une plainte déposée, en 2010, par Georges-Pierre Tonnelier,
alors dirigeant du Front national belge, deux membres de la rédaction
de RésistanceS.be, Julien Maquestiau et moi-même, seront poursuivis
au pénal devant le tribunal correctionnel de Bruxelles (voir ici).
Article
du quotidien Le Soir sur
le procès contre RésistanceS.be enclenché par le numéro deux du
Front national de l'époque.
Refus
de soutien
Pour
nous soutenir dans cette saga judiciaire qui durera près de quatre
ans, un appel public sera lancé. Une minorité de ceux qui furent
invités à le signer refusa. Souvent pour d'étonnantes raisons et,
dans la plupart des cas, en apportant des explications alambiquées
ou maladroites.
Il
s'agit d'Henri Goldman (codirecteur de la revue Politique),
de Jérôme Jamin (politologue à l'Université de Liège et
rédacteur en chef du journal des Territoires de la mémoire), d'une
partie du conseil d'administration de la section belge francophone de
la Ligue des droits de l'Homme, de l'association Bruxelles laïque
(la régionale du CAL)... toujours conseillés en la matière par le
même Jean-Jacques Jespers (ex-journaliste de la RTBF).
Pour
comprendre l'étonnante position de ce dernier sur notre « affaire »,
il est nécessaire de savoir que juste avant le lancement de l'appel
pour nous soutenir, un différend avait eu lieu avec lui. Ce clash
faisait suite à la polémique suscitée par le sabotage, par des
militants islamo-communautaristes, d'une conférence-débat de
Caroline Fourest à l'Université libre de Bruxelles (ULB) contre
l'extrême droite. Jean-Jacques Jespers avait alors pris la défense
du principal organisateur de l'action préméditée qui empêcha la
journaliste française de librement s'exprimer à l'ULB. Pour sa
part, le journal RésistanceS.be l'avait réprouvé (voir ici).
Après
la diffusion hier soir de l'émission « Devoir d'enquête »
de la RTBF et ses révélations sur l'utilisation d'un faux profil
Facebook, il serait intéressant de connaitre maintenant la position
de ceux qui avaient refusé jadis de nous soutenir.
Malgré
ces quelques refus, marginaux et obscurs, plus de 120 journalistes,
rédacteurs en chef, professeurs d'université en journalisme et en
déontologie journalistique (de l'UCL et de l'IHECS), le directeur
belge de Reporters sans frontières... signeront l'Appel de soutien à
RésistanceS.be (voir ici).
Celui-ci sera ensuite publié dans les journaux Marianne Belgique
et La Libre Belgique (notre
illustration, ci-contre).
Après
la diffusion de l'émission « Devoir d'enquête », à
RésistanceS.be, nous sommes encore plus convaincus que les enquêtes
journalistiques « undercover », y compris avec de
faux profils, restent nécessaires. Parce que pour que des
journalistes puissent aboutir dans leur investigation, cette méthode
est parfois l'unique solution pour desceller le vrai visage
d'organisations qui avancent, elles, masquées sur la scène
médiatique.
L'enjeu
est essentiel. « En
utilisant les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube…) ou en
suivant les activités de groupes ultranationalistes (avec ou sans
méthodes ''undercover''), des journalistes arrivent à produire des
enquêtes exclusives sur des milieux où ils n’ont pas vraiment
bonne presse »,
écrivait en 2011, un an après le début de la saga judiciaire
contre RésistanceS.be, Mehmet
Koksal, journaliste indépendant et vice-président
de l'Association des journalistes professionnels (AJP) *.
Manuel
Abramowicz
* Mehmet Koksal in « Enquêter sur les milieux d’extrême droite », article publié le 15 octobre 2011 sur « Le blog investigation » de l’AJP et du Fonds pour le journalisme (Belgique).
©
Article du journal en ligne RésistanceS.be
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Jeudi 28 mai 2015 |
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