Islamo-gauchiste ou islamo-libéraux ? (suite et pas fin)

Ci-dessous, une affiche d'un candidat du MR (droite libérale réformatrice) pour les élections législatives belges de 2007 à Bruxelles, dans un quartier populaire où habitent de nombreux musulmans © Photo Tractothèque.

Une vérité qui dérangela pensée unique
Pour le politologue Olivier Roy (CNRS) les islamistes sont des libéraux

Lors d'une interview accordée dans le mensuel français
Rue89, de ce mois, au sujet de l'échec des islamistes dans les révolutions arabes en Tunisie et en Égypte, le politologue Olivier Roy informe de réalités qui ne pourront que mettre à mal la propagande qui dénonce l'« islamisation de notre société » et une alliance supposée entre les islamistes et l'extrême gauche européenne. Spécialiste en langue persane et docteur en science politique, Olivier Roy affirme, sur base d'une analyse scientifique, que «l'islamisme est fini comme solution politique». Pour lui, les révolutions arabes « casse la ''fatalité musulmane'', ressassée par les islamophobes de droite ou de gauche, qui disent que l'islam serait incompatible avec la démocratie. Selon eux, pour que les immigrés musulmans s'intègrent, il faudrait donc une réforme théologique. Ce qui se passe dans les rues de Tunis et du Caire casse ce logiciel.

Une riposte laïque d'extrême droite
Olivier Roy poursuit : «
Ça casse tous les logiciels populistes. On n'entend pas en ce moment des gens comme Riposte laïque, ou alors pour nous annoncer une victoire des islamistes». Pour rappel, Riposte laïque est un groupuscule laïque français qui s'est allié récemment à l'extrême droite dans un combat commun contre l'«islamisation de l'Europe». Mais, ce groupuscule fanatique continue à avoir un certain aura dans les milieux démocrates : le 12 mars dernier, l'une des égéries de Riposte laïque participait ainsi à l'«International conference on women's rights, sharia law and secularism» à Londres, notamment côte à côte de la militante féministe belge Nadia Geerts, pourtant connue pour son engagement contre l'extrême droite.
L'approche d'Olivier Roy, un spécialiste reconnu de la question, ne peut qu'agacer ceux qui exploitent un fonds de commerce autour de la dénonciation obsessionnelle de l'Islam, qu'il soit «rigoriste» (sic) ou pas d'ailleurs. La vulgate proposée en la matière par les islamophobes et autres opposants aux revendications des musulmans d'Europe est instrumentalisée de manière générale pour dénoncer au final l'Islam dans son ensemble. Dans ce cadre, les «nouveaux croisés» occultent systématiquement les prises de positions de musulmans modérés contre le courant intégriste présent dans leur religion. C'est par exemple le cas avec les initiatives prises par la revue française Respect mag, étrangement inconnues ou ignorées par les Zemmour et autre Finkielkraut, penseurs de l'Occident en résistance contre l'Islam.

Coran, Manifeste communiste...
Une autre vérité qui dérange est les liens qui existent entre les théoriques et les pratiques en matière économique des libéraux de chez nous avec celles appliquées par des islamistes quand ils participent au pouvoir. Pour masquer la similitude de leur programme économique respectif, les anti-musulmans occidentaux brandissent notamment le spectre de l'«
islamo-gauchisme». Ce danger est un pseudopode de la «peur du rouge», vieux réflexe du national-catholicisme maurrassien, de la bourgeoisie libérale, des milieux capitalistes et des mouvements autoritaristes (fascistes) de l'entre-Deux-Guerres, qui s'exprima aussi dans la dénonciation dudit «complot judéo-bolchévique».
Pourtant, le Coran n'a aucun point commun avec le Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Frederick Engels. Par contre, ce texte sacré de l'Islam regorge de références partisanes d'une société divisée en classes sociales inégalitaires et favorables à une économie libre comme le défend les économistes libéraux. A ce niveau, les programmes de l'UMP, du MR ou de la FEB (Fédération des entreprises de Belgique) sont des frères jumeaux des thèses islamistes en économie. Nous pouvons donc évoquer l'existence d'un véritable « courant islamo-libéral ».
Les islamistes sont des libéraux
Pour Olivier Roy en effet «
les islamistes se sont embourgeoisés. Ils sont devenus parlementaristes, mais ils sont aussi conservateurs, ils n'ont plus de projet social, et sont donc absents des luttes économiques et sociales». Soit à l'opposé des combats de la gauche radicale anticapitaliste et marxiste. L'islamo-gauchisme est donc une fable.
«C'est très net en Égypte : les Frères musulmans sont devenus des libéraux en économie. Ils sont pour les privatisations et contre la grève. Et ça, c'est vrai partout : les islamistes sont dans une fuite vers la morale, les mœurs, la vertu. Ils ne sont plus du tout à même de récupérer un mécontentement social», conclut le politologue français associé notamment au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Manuel Abramowicz
Bruxelles # dimanche 27 mars 2011

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